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Patrick Martin sur LCI : « On ne sait pas vivre sans mondialisation »

Face à Darius Rochebin sur LCI le 3 avril dernier, Patrick Martin s’est dit très inquiet face aux hausses de droits de douane annoncées par Donald Trump. Selon lui, des centaines de milliers d’emplois pourraient être menacés si ces hausses de tarifs se confirment et il appelle à des ripostes concertées au niveau européen.

Des centaines de milliers d’emplois menacés

« De manière très chiffrée, on parle de 1,5 % du produit intérieur brut français. On parle de centaines de milliers d'emplois menacés. On parle de la désarticulation de chaînes entières, par exemple, dans l'aéronautique ou dans l'automobile. Donc ces mesures, si elles sont mises en œuvre, seront extrêmement perturbantes pour la France, pour l'Europe et exigeront de notre part des réactions fortes. (…) Je crois qu'il faut être à la fois très ferme, mais en même temps très pragmatique. C'est la raison pour laquelle l'Union Européenne s'est accordée sur un calendrier de réflexion, d’analyse, avant d'annoncer ses mesures de rétorsion définitives, à la fin du mois d'avril seulement. Il faut véritablement cibler ces mesures pour dissuader autant que possible l'administration Trump de mettre en œuvre toutes les mesures douanières brutales et violentes qu'elle a annoncées. Mais notre meilleur allié dans cette affaire, ce sont les Américains eux-mêmes parce que, quand les marchés américains prennent 4 % de baisse dans la journée, ce sont des dizaines de milliards de dollars que les épargnants américains perdent. (…) Si les mesures sont mises en œuvre, il faut s'attendre à des suppressions d'emplois, il faut s'attendre à des baisses de chiffre d'affaires significatives. Rien que sur le cognac ce sont 70 000 emplois menacés sur un périmètre géographique qui, grosso modo, correspond à un département. »

Agir en commun au niveau européen

« Il y a une grande convergence sur l'analyse de la situation entre toutes les branches, d'un pays à l'autre. On est tous alignés sur la nécessité de faire front et d'agir en commun. Donc, les Américains vont immanquablement essayer de fracturer ce front européen, mon pronostic c'est qu'ils n'y arriveront pas. (…) Le Président Trump se projette sur le moyen long terme. Il n'a échappé à personne qu'il y a des élections dites de midterms aux Etats-Unis, au mois de novembre 2026. Donc, selon Trump, il faudrait passer ce mauvais moment pour remettre à niveau les Etats-Unis sur le plan industriel. On souhaite qu'il soit télescopé par une élection dans maintenant 18 mois. »

Des réponses en deux temps

« Il faut, dans un premier temps, des réponses défensives, établir un rapport de force et autant que possible, ramener à la raison le président Trump et puis des mesures offensives : enfin se remettre à niveau en Europe et en France singulièrement, sur le plan de la simplification, sur le plan de la compétitivité. Et troisième solution, ne plus s'interdire de commercer avec d'autres zones du monde. Si ça devient difficile aux Etats-Unis, difficile en Chine, et qu'on s'interdit d'aller travailler avec l'Amérique latine, l'Indonésie, les Philippines, on aura tout perdu. »

On ne sait pas vivre sans la mondialisation

« La mondialisation telle qu'on a pu la connaître jusqu'à il y a 3 ans, 4 ans, est remise en cause. Mais on ne sait pas vivre sans la mondialisation. Il y a 20 % des emplois français qui dépendent des exportations. Va-t-on mettre au chômage 20 % des salariés français ? Et c'est vrai dans tous les pays du monde donc, il va falloir qu'on revisite nos chaînes de valeurs, nos chaînes logistiques, pour des raisons de souveraineté, qu’on fasse revenir sur chacun des continents, donc en Europe, un certain nombre d'industries stratégiques, la chimie, la sidérurgie, bien évidemment le digital. Mais de là à penser qu'on va revenir des siècles en arrière et que chaque pays se recroquevillera sur lui-même, c'est une folie si on s'imagine cela. »

Les Américains sont tout de même très pragmatiques

« Je ne perds pas de vue que les États-Unis c'est une grande démocratie, que les Américains sont quand même des gens très pragmatiques. Tous les Américains sont actionnaires. C'est un des nombreux bienfaits des fonds de pension. Donc, le chauffeur de taxi, le coiffeur, le livreur regardent tous les jours les cours de bourse. Et je pense qu'il peut y avoir un retour de manivelle assez brutal et assez heureux en définitive. »

L’Europe est très déterminée

« Je sens que l'Europe est très déterminée à tenir tête mais ne s'affole pas. Et il ne faut jamais s'affoler dans des circonstances pareilles. Faudra-t-il mettre en place des dispositifs spéciaux pour soutenir ces filières le temps qu'il faudra ? Probablement oui. Mais on avait encore quelques moyens financiers au moment du Covid que l'on n'a plus aujourd'hui. Le déficit, la dette. Donc ça n'a pas de sens de mettre en place des dispositifs de soutien sectoriel et géographique. Si on s'en donne les moyens financiers, c'est le moment où jamais, en Europe et en France, d'avancer dare-dare sur simplification et compétitivité. »

>> Revoir l’interview sur le site de TF1 Info